Si le Montana, situé au nord-ouest des États-Unis, est le quatrième État le plus vaste du pays, il figure aussi parmi les moins peuplés. Bordées par les montagnes Rocheuses, ses longues routes droites et désertiques traversent des vallées à perte de vue et sont rythmées par de petites villes minières éparses, parfois d’apparence fantomatique, parsemées de trucks et de pick-ups à l’abandon. La luminosité au coucher du soleil est saisissante.
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C’est à Browning, au cœur de la réserve des natifs Blackfeet, autrefois considérés comme l’une des plus puissantes nations d’Amérique du Nord, que se situe le fief de la famille Carlson. Ce clan, dès la fonte des neiges, se prépare pour la saison des rodéos, véritable religion dans ces régions reculées. Le ranch de Cody et sa famille comprend une trentaine de chevaux, dont quatorze pur-sang soigneusement sélectionnés à travers les États-Unis et entraînés pour leur spécialité : le relais indien.
« Ce n’est pas comme les courses de chevaux normales », explique Cody. Cette course, d’inspiration traditionnelle et exclusivement pratiquée par les Premières Nations, est considérée comme le sport extrême américain le plus ancien. Le relais indien trouve son origine il y a plus de 500 ans, soit avant la colonisation, chez les tribus autochtones des Plaines. Il est dit que lorsque ces tribus étaient en guerre, les vols de chevaux étaient très courants. Quand un guerrier avait épuisé sa monture, il sautait sur un autre cheval et répétait cette figure jusqu’à son retour au camp.« Je monte tous mes chevaux depuis plusieurs années et j’ai acquis un lien et une connexion avec chacun d’entre eux », confie le jeune cavalier. « On apprend réciproquement à anticiper et accorder nos mouvements.» Avec la baisse de fréquentation des rodéos dans les années 1990, le relais indien a été appelé en renfort pour rendre ces réunions plus attractives et « excitantes ». Les États-Unis et le Canada comptent aujourd’hui une centaine d’équipes, et l’on voit même apparaître quelques formations féminines.
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Aujourd’hui reconnu comme un sport hippique à part entière, le relais indien n’en reste pas moins extrêmement dangereux. Chaque cavalier, montant à cru, doit réaliser trois tours de piste en passant, à chaque tour, d’un cheval à l’autre à pleine vitesse. Pour récompense de sa témérité, le vainqueur peut empocher jusqu’à plus de 10 000 dollars, selon les compétitions.Cody n’a que 19 ans et s’adonne à sa passion, le relais indien, depuis ses 12 ans. Il y consacre le plus clair de son temps, tout comme sa famille depuis cinq générations. L’entraînement est intense et quotidien. Il exige courage et surtout dévouement. « C’est un mode de vie où l’on ne peut pas tricher. Il ne suffit pas d’être bon cavalier, il faut aussi avoir une vraie compréhension du cheval, sinon cela se ressent immédiatement lors de la course. Ce n’est pas donné à tout le monde », témoigne Donna, la belle-sœur de Cody.« C’est un mode de vie où l’on ne peut pas tricher. Il ne suffit pas d’être bon cavalier, il faut aussi avoir une vraie compréhension du cheval, sinon cela se ressent immédiatement lors de la course. Ce n’est pas donné à tout le monde »
L’autre Amérique
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Comme frappées de malédiction, les populations autochtones ont aussi subi de plein fouet les effets de la pandémie de COVID 19. Le virus a provoqué une saignée telle dans leurs rangs que l’espérance de vie des natifs américains s’est littéralement effondrée, passant de 71,8 ans en 2019 à 65,2 ans en 2021, selon les tout derniers chiffres des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), l’agence sanitaire américaine. Un recul de presque sept ans qui les renvoie à l’espérance de vie moyenne des Américains en... 1944 ! Malgré des taux de vaccination supérieurs aux communautés afroaméricaines et d'origine hispaniques, les natifs ont payé au prix fort leur propension au diabète et à l’obésité, deux facteurs de risques aggravés par la pauvreté.À cela s’ajoute la crise liée à la consommation d’opioïdes de synthèse, fentanyl en tête, qui a frappé les premières nations de manière disproportionnée. À tel point que le taux de mortalité par surdose chez les autochtones était le plus élevé de toutes les communautés américaines confondues au cours de la première année de la pandémie.
L’univers des cowboys natifs
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Le rodéo de Bragg Creek, quant à lui, est un événement bien plus intime, organisé par les Tsuut’ina, peuple des premières nations athabascanes, dont la réserve avoisine les limites sud-ouest de Calgary. Le public, presque exclusivement natif, se presse sous un soleil écrasant à l’unique stand de frites et de citronnade, qui peine à répondre à la demande massive. Les cavaliers et leurs montures piaffent, dans un nuage de poussière, en attendant leur passage, chacun dans sa catégorie : la monte de cheval sauvage ou de taureau, le terrassement de bouvillon et la prise au lasso... pour n’en nommer que quelques-unes.« J’aime tellement Gypsy. Elle a 6 ans, je l’ai achetée il y a environ 3 ans pour la course au baril, mais elle préfère le lasso. Au début, ma famille ne l’aimait pas parce qu’elle était méchante et dure. Mais elle a fait ses preuves, et a su se faire aimer de tous. »
Ce rodéo est jumelé à un pow-wow, pratique de danses inspirées des traditions autochtones. Des tipis ont été installés pour l’occasion. Les pow-wow ont réapparu dans les années 1960- 70 après avoir pratiquement disparu à cause des politiques coloniales et d’assimilation. C’est là-bas que je retrouve Gracie Krawler, une Nakoda Sioux qui vit dans la réserve de Morley. Elle m’introduit auprès des participants et me permet un accès privilégié aux coulisses de ce rodéo, notamment à celles de l’épreuve phare : le bull riding (la monte de taureau), particulièrement inaccessibles pour des raisons évidentes de sécurité.
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Gracie, pour sa part, est championne de barrel racer (course au baril), discipline de vitesse et de dextérité réservée aux femmes. Malheureusement blessée, elle ne peut participer cette année à la compétition. Considérée comme un membre de la famille à part entière, sa jument et coéquipière Gypsy est surnommée « Sis » (sœur en anglais). Gracie précise : « J’aime tellement Gypsy. Elle a 6 ans, je l’ai achetée il y a environ 3 ans pour la course au baril, mais elle préfère le lasso. Au début, ma famille ne l’aimait pas parce qu’elle était méchante et dure. Mais elle a fait ses preuves, et a su se faire aimer de tous. »