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LE NUMÉRO MUSIQUE

Le numéro Musique est arrivé près de chez vous

Luis Gispert et Jeff Reed nous racontent comment ils en ont façonné la couverture, à l'aide de mecs défoncés au crack, d'un ghetto-blaster et d'un camion-plateau.

Cet article est extrait du « Numéro Musique »

Luis Gispert et Jeff Reed collaborent sur des projets de films et de photos depuis 2002. Stereomongrel a été initialement présenté au public au Whitney Museum of American Art, avant d'être exposé sur les écrans du monde entier. Tous deux sont artistes et cinéastes, et vivent de part et d'autre du sol américain : Gispert habite Brooklyn et Reed vit à Venice, en Californie.

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Quelle est l'histoire derrière la couv de ce numéro ?
Luis Gispert : Cette image fait partie d'un projet de plus grande envergure, Stereomongrel, que l'on a présenté au musée Whitney. Le boulot consistait en un film de dix minutes et une série de photographies grand format de scènes et de personnages qui n'étaient pas dans le film. Il ne s'agit pas de scènes coupées ; ce sont des œuvres qui existent de manière autonome. Nous avons imaginé ces photos comme des instants à l'intérieur du film, et qui auraient lieu simultanément dans un autre espace.

De quelle façon la musique a-t-elle été une source d'inspiration pour votre projet ?
Jeff Reed : Luis et moi avons déjà parlé de cette idée de « portamento ». Il s'agit d'un mot emprunté au vocable de la musique classique, et une notion devenue la base de nombre de morceaux à synthés analogiques des années 1960 et 1970, et encore plus dans les années 1990, via les productions de Dr. Dre. Il s'agit d'un effet de glissement de ton depuis des notes délicates vers des notes plus soutenues, le tout se faisant de manière harmonieuse, sans que jamais les notes de fond ne cessent de jouer. Qu'écoutiez-vous à cette époque ?
Luis : On a mis deux ans pour réaliser ce projet, de 2003 à 2005. La pratique du mash-up commençait à avoir pas mal de succès, surtout dans le hip-hop. Nous, on écoutait Mobb Deep, ou Ghostface Killah. On aimait aussi beaucoup Goblin, cet incroyable groupe italien de prog-rock.

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Pouvez-vous nous en dire plus sur le lieu de shooting ?
Jeff : À cette époque, on était focalisés sur les gangs et les sous-cultures inventées de toutes pièces. On était partis faire du repérage dans le quartier d'Overtown à Miami, l'une des zones les plus dangereuses de la ville. Avant l'implantation d'Art Basel et la gentrification, une énorme épidémie de crack ravageait le quartier.
Luis : Là, on est tombés sur un gars qui portait un bleu de travail alors qu'il n'y avait aucun chantier alentour. Le mec transportait une machette. Il nous a dit que tous les gars du quartier devaient adopter un « style » afin d'éviter les emmerdes avec les flics.
Jeff : Il nous a dit qu'il connaissait des gens qui accepteraient de poser pour nous en échange de quelques dollars. Puis il nous a présentés : il y avait un maquereau, quelques prostituées, et pas mal de crackheads. Tous ont été d'accord pour se faire photographier. On avait un camion-plateau, un ghetto-blaster et une boîte à outils. Après avoir inhalé tout un tas de substances, les mecs ont déambulé sur le terrain comme des zombies, remorquant avec eux les ghetto-blasters.

Pour ce numéro, nous avons choisi une image avec du mouvement, et du style, afin de témoigner d'une vision personnelle et invraisemblable de la musique. La nôtre. Les images ci-contre montrent les couvertures alternatives retenues pour ce numéro.

Cette photo est issue de Stereomongrel, une série de photos grand format de Luis Gispert et Jeff Reed, créée en accompagnement de leur film.