Mossless en Amérique : Paul D'Amato

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Mossless en Amérique : Paul D'Amato

Les quartiers pauvres de Chicago et les kids qui rêvent de les quitter.

Mossless en Amérique est une colonne qui parle de photographie et où seront publiées différentes interviews de photographes. Cette série sera réalisée en partenariat avec les ogres de Mossless magazine_, une revue photo dirigée de main de maître par Romke Hoogwaerts et Grace _Leigh. Romke a lancé Mossless en 2009. À l'époque, ce n'était qu'un site pour lequel il interviewait un photographe tous les deux jours. Et depuis 2012, le magazine Mossless sort en version papier ; ils ont sorti deux numéros, chacun se rapportant à un type de photographie en particulier. Mossless s’est fait remarquer en 2012 lors de l'exposition du Millennium Magazine au Musée d'art moderne de New York, puis a reçu le soutien de l'organisation Printed Matter. Leur troisième numéro, consacré à la photographie documentaire américaine des années 2000, s’intitulera « The United States (2003-2013) » et sortira au printemps prochain. Chopez-le.

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Depuis plus de deux décennies, Paul D'Amato met en lumière les drames quotidiens qui affectent la vie des gens ordinaires. Né en 1956 à Boston, D'Amato déclare avoir autant appris en traversant le pays – souvent en faisant du stop et en se glissant dans des wagons de marchandises – que durant ses années d'étude à l'Université Reed en Oregon. Après avoir reçu une maîtrise en arts à Yale, il a déménagé à Chicago, où il a découvert les quartiers de Pilsen ou du Little Village. Les photos et les écrits réalisés par D'Amato pendant quatorze ans sont devenus un livre intitulé Barrio, publié par la University of Chicago Press en 2006. On a discuté avec Paul de ce projet-là, mais aussi des nouvelles œuvres qu'il a réalisé dans le West Side à Chicago et qui sont regroupées sous le terme HereStillNow. Une partie de ce travail a été récemment publiée par le DePaul Art Museum de Chicago sous la forme d'une monographie intitulée We Shall.

Mossless : À quoi ressemble la vie dans le West Side ?
Paul D'Amato : Le West Side est une zone afro-américaine et pauvre. Il comprend des quartiers comme ceux de Garfield Park, Lawndale et Humbolt Park, qui sont les plus pauvres de Chicago. Il y a bien entendu des statistiques qui rapprochent le West Side de n'importe quel autre quartier pauvre d'une grande ville américaine, mais rien ne traduit le sentiment de vivre là-bas. Personnellement, je ne peux pas dire à quoi cela ressemble vu que je n'y vis pas. Même après m'être rendu chaque semaine pendant 10 ans dans ces quartiers, il serait présomptueux de prétendre savoir ce que ça fait d'évoluer dans un endroit dans lequel personne ne veut vivre et que chaque habitant quitte dès qu'il en a la possibilité financière.

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Shavondra, Chicago 2005

Parlez-moi d'un de vos sujets. Qui est Shavondra ?
Ce que je peux dire, c'est que tous les gens que j'ai rencontré, que je fréquente encore et que je photographie régulièrement, sont des individus uniques qui ne peuvent être rattachés à des critères économiques qui les figent dans des groupes sociaux bien définis. Ces images sont là pour prouver que mes sujets sont aussi importants que n'importe quelle autre personne.

Je connais Shavondra depuis des années, et comme la plupart des gens sur ces images, je l'ai photographiée à de multiples reprises. Et comme toutes les personnes que j'ai photographiées plusieurs fois, elle est différente sur chacun des clichés. Le jour où j'ai pris la photo qui figure dans mon livre, elle me paraissait solide comme un roc, ce que j'aimais beaucoup, et maintenant que ce livre a été publié, j'imagine qu'elle est en quelque sorte figée pour l'éternité.

Que révèlent vos clichés sur l'Amérique d'aujourd'hui ?
Ces communautés sont le dommage collatéral du capitalisme. Près d'un quart de notre pays vit dans la pauvreté. Ce constat est tellement répandu que nous croyons que c'est un problème impossible à résoudre. Qu'est ce que ça dit sur les États-Unis ? Cela ternit tout ce qui paraît génial à propos de mon pays.

Photo tirée de la série Barrio

Vous avez réalisé votre projet Barrio dans un quartier mexicain du nom de Pilsen pendant quatorze ans. Pourquoi avez-vous décidé de mettre un point final à ce travail ?
Pilsen est un quartier de la partie sud de Chicago. Je me suis arrêté pour deux raisons. D'une part, après 14 années de travail, j'ai ressenti le besoin d'évoluer artistiquement. Deuxièmement, la gentrification était en marche et l'homogénéisation du quartier avait débuté. Quel type de notes avez-vous laissé dans votre journal pendant le temps passé là-bas ?
Le second chapitre du livre traitant du projet Barrio est une sélection d'écrits personnels que j'ai effectué pendant ces quatorze années. En tout, j'ai rédigé huit carnets plein de dessins, de photos et d'histoires. Seule une petite partie est reprise dans le livre. Ces carnets sont assez cool en tant que tels, mais je ne veux pas que quelqu'un puisse y accéder.

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Quelle est la dimension que vous préférez dans la photographie ?
C'est un peu comme ce dialogue dans le film Presque célèbre : « Qu'est ce que tu aimes dans la musique ? » « Pour commencer… tout. »

Paul D'Amato enseigne au Columbia College de Chicago. Son travail lui a fait obtenir de nombreux prix, dont une bourse Guggenheim.

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