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Le château de Sir Ivan dans les Hamptons

Comme tout le monde, il m'arrive souvent de m'imaginer ce que je ferais si j'avais des fonds illimités. Je me barrerais de mon taf et j'écrirais à plein temps. J'achèterais un appartement dans le Marais.

Comme tout le monde, il m'arrive souvent de m'imaginer ce que je ferais si j'avais des fonds illimités. Je me barrerais de mon taf et j'écrirais à plein temps. J'achèterais un appartement dans le Marais. J'adopterais un chien que j'aurais même le temps d'aller promener. Voyager plus, boire du meilleur vin, m'occuper de mes parents, et un tas d'autres trucs. Ivan Wilzig a dépensé son fric autrement. Ce juif du New Jersey a hérité de la fortune de son père, un magnat du pétrole. Après avoir été avocat, Ivan a décidé qu'il ne voulait plus porter que des costumes fluo. C'était la naissance de Sir Ivan. Il s'est alors mis en tête de faire des remixes de morceaux des années 1960 et 1970, des trucs type « Imagine » ou
« Kumbaya ». Samedi dernier, j'ai pris le car en direction du château de Sir Ivan, aussi appelé la « Playboy Mansion de la Côte Est ». Au menu, une grosse soirée pour marquer la sortie du dernier single de notre hôte, « La La Land », sur son label Peaceman. Le thème de la fête : les animaux. Bien sûr, comme tous les invités présents, je me foutais complètement de la musique ; j'étais venue pour les filles dénudées et les drogues. Les salles de bains étaient recouvertes de paillettes et de résidus de coke laissés par les invités. Le Champagne couleur rose coulait à flot ; votre verre n'était même pas terminé que des serveuses s'employaient à vous le re-remplir. Dans l'air, une symphonie de bouchons qui sautent et de commentaires de circonstance type « oh mec, là j'ai pris qu'un rail, mais de la colombienne comme ça, c'est ABUSÉ ». Abusé. Des mannequins couvertes de peinture allumaient les invités quand elles n'étaient pas pendues aux bras de Sir Ivan pour les photos. Le seul moment où les gens posaient leurs verres, c'était pour faire un tour sur le manège.
Vers 23h, je me suis faite accoster par une nana à poil, couvertes de paillettes rouges. « Tu t'appelles comment, ma grande ? - Sophie. Et toi ? - Moi c'est Goo Goo. Chérie, tu aurais une cigarette ? - Ah non, pas sur moi. Désolée. - Bon. Est-ce que tu veux danser au moins, princesse ? - Carrément. » C'est alors que Goo Goo a pris mon verre, l'a terminé et m'a entraînée à l'intérieur du château. Je n'ai pas entendu le moindre vrai morceau de la soirée, seulement des remixes de trucs aussi random que Ziggy Marley ou la B.O de Charlie et la Chocolaterie. Goo Goo et moi avons dansé le temps de quelques chansons, puis Sir Ivan est monté sur scène pour nous interpréter son dernier single, « La La Land ». Avec ses danseurs professionnels, il se dandinait dans une cape surmontée d'un signe peace and love, avant de se mettre à chanter en play-back. C'était pas terrible au début, puis c'est devenu gênant. Bon c'est sûr, je me suis bien marrée (et la jolie asiat que j'ai rencontrée, Nina, est devenue ma follower sur Twitter !) Mais pour être franche, l'opulence de Sir Ivan est totalement déprimante. Je salue l'homme pour sa singularité ainsi que ses œuvres de charité (à un moment de la fête, il a annoncé un énorme don au bénéfice du Trevor Project), mais sérieux, personne ne se serait pointé à la teuf sans son château ni l'open-bar champagne. Comme je suis journaliste musique, j'interviewe souvent des groupes géniaux réduits à passer par des sites de crowd-funding ou se serrer la ceinture juste pour faire une tournée. Le train de vie de Sir Ivan laisse un âpre sentiment d'injustice et, quand je me suis tirée de la teuf, je dois reconnaître que je déprimais lourdement. Puis j'ai pris le train et c'est passé.