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VICE Fashion Week

Les plus beaux boubous de Château Rouge

Autant l'avouer de suite : en tant qu'être humain blanc, moyennement porté sur l'extravagance et n'ayant qu'une connaissance limitée de la mode internationale, je n'ai jamais porté de boubou de ma vie.

Photos : Anissa Radina

Adikatou Beaurepaire, dans sa boutique

Autant l'avouer tout de suite ; en tant qu'être humain blanc, d'une vingtaine d'années, Français, moyennement porté sur l'extravagance et n'ayant qu'une connaissance limitée de la mode internationale, je n'ai jamais porté de boubou de ma vie. Il n'en demeure pas moins que ce vêtement traditionnel africain est l'un des trucs les plus élégants, beaux, compliqués, colorés et classes que l'homme ait jamais confectionné en vue de s'habiller. C'est aussi l'une des fringues les plus vendues dans le monde, juste derrière le jean et le t-shirt, mais loin devant le costard, la chemise, le polo et tout un tas de trucs que vous devez porter en ce moment-même.

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Initialement porté par les Berbères d’Afrique du Nord – et fusion des styles arabes et africains – le boubou a gagné en popularité à partir du Vème siècle auprès des chrétiens d’Afrique Centrale, puis des Africains de l’Ouest, de l’Est, du Sud, et de la diaspora africaine en Europe. Au fil du temps, il est devenu l’habit de tous les jours pour les hommes comme pour les femmes, en toute saison. Ces dix dernières années, en Occident, il a été adopté par plusieurs grands noms de la mode internationale telles qu’Isabel Marant ou Burberry.

À Paris, le quartier de Château Rouge dans le 18ème arrondissement compte un paquet de merceries et de tailleurs africains artisanaux. En fin de semaine dernière, je m'y suis rendu pour parler à l'un d'eux. Après m’être fait refouler par une dizaine de tailleurs qui pensaient que je venais leur parler de la délinquance dans le quartier, j'ai fini par arriver dans le shop d'Adikatou au croisement de la rue Myrha et de la rue des Gardes. Originaire de Côte d’Ivoire, Adikatou est arrivée en France en 2000 et a ouvert son magasin deux ans plus tard. Elle y vend des tissus traditionnels et artisanaux – wax, bogolan, kita, bazin – en provenance d’Afrique et fabrique également des boubous sur mesure. C'est aussi l'une des personnes les plus aimables rencontrées dans ce monde majoritairement peuplé de gros cons : la mode.

Adikatou nous présente deux modèles de boubous pour femme. Prix : 250€.

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VICE : Salut Adikatou. Parlez-nous un peu de vos boubous.
Adikatou Beaurepaire : Eh bien,il y a beaucoup de boubous différents. Il y en a pour les hommes, pour les femmes et même pour les enfants. Le boubou a une connotation très particulière puisque c’est un vêtement religieux. En Afrique, tous les musulmans, hommes et femmes, portent des boubous. Les gens en portent aussi dans les pays arabes mais ils ont des coupes beaucoup plus cintrées que dans les pays d'Afrique noire. Après, tout dépend des broderies sur le vêtement. Pour une cérémonie ou un événement spécial, on va faire des broderies plus élaborées et éventuellement modifier la coupe pour rendre le vêtement plus élégant.

Vous rajoutez des accessoires aussi ?
Pour les hommes, des broderies seulement. Il y a aussi la possibilité de rajouter de la dentelle, des pierres sur le tissu. Ça se fait soit à la main avec de la colle, soit à la machine. Pour les femmes, on rajoute des accessoires comme des perles, des anneaux, des poids baoulés et toutes sortes de bijoux.

Poids baoulés (5 à 15 euros/pièce) et autres objets de décoration

Des poids baoulés ?
Les Baoulés sont un peuple de Côte d’Ivoire appartenant au groupe éthnique Akan, originaire du Ghana. L’ancien président de Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, était Baoulé. Historiquement, les poids baoulés sont des bijoux portés pas les chefs de village lors des cérémonies. Ils en mettent sur leurs chapeaux et sur leurs boubous. C’est comme de l’or. Bien sûr, ça n’a pas la même valeur que l’or mais au moins ça en a l’apparence ! C’est très populaire chez les artisans, surtout en Côte d’Ivoire.

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Quels tissus vous utilisez pour faire un boubou ?
La plupart du temps, les boubous sont faits à partir de basin brodé – un tissu brillant et damassé. Mais c’est vrai qu’avec la modernisation, certains le font avec des tissus plus nobles comme la soie ou le wax. Personnellement, je trouve que les plus beaux boubous sont toujours faits à partir de basin. C’est la broderie, les perles et la manière avec laquelle on décore les boubous qui font vraiment la différence. La matière n’est pas si importante que ça.

Quel matériel utilisez-vous pour broder ?
Des machines Cornely ou bien des Bernina 217. Il y a plusieurs types de machines pour broder. Pour le fil, ça dépend du choix du client. Bien sûr, plus la broderie est fine, plus le boubou est cher. Sinon il y a la technique du batik qui consiste à appliquer des couleurs en peignant directement sur le tissu. Bon, ça prend un peu plus de temps. Mais les clients pressés peuvent choisir parmi les boubous en prêt-à-porter !

Vous connaissez des occidentaux qui portent des boubous ?
Oui, de plus en plus. Mais c’est pour des cérémonies – des mariages mixtes entre une Africaine et un Européen, la plupart du temps. Ils n’en achètent pas pour le porter tous les jours comme c’est le cas en Afrique. Il y a deux ans, deux personnes sont venues m’acheter un boubou pour le carnaval de Venise.

Les Africains portent le boubou deux-pièces au quotidien, et le boubou trois-pièces – chemise, pantalon et longue tunique flottante – pour les grands évènements.

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Combien de boubous écoulez-vous chaque jour ?
Oh, c'est difficile à dire, mais de plus en plus. D’ailleurs il y a de plus en plus de Blancs qui en mettent ! Mais on est encore très loin de les voir porter ça tous les jours.

Merci Adikatou !

Retrouvez les boubous d’Abikatou sur www.ojabtex.com. Suivez Thomas sur Twitter : @Thomas_Bertrand

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