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Il est désormais possible de bruncher dans la salle de répétition de Black Flag

Le punk est bel et bien mort et enterré, mais certaines personnes semblent prendre un malin plaisir à tourmenter son cadavre décomposé.

Personne n’a jamais vraiment su dater la mort du punk. Certains pensent que c’est arrivé le jour où le logo des Ramones a été placardé sur des sapes hors de prix, tandis que d’autres estiment qu'elle est étroitement liée à la surconsommation de boissons énergisantes chez les programmateurs du Warped Tour. Peu importe la raison, on sait simplement que ce qui était autrefois un mouvement sérieux est aujourd’hui mort et enterré, et que certaines personnes semblent prendre un malin plaisir à tourmenter son cadavre décomposé.

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Situé à Hermosa Beach en Californie, le restaurant Abigaile a remplacé le célèbre lieu de répétition de groupes comme Black Flag, les Descendents, Redd Cross et Circle Jerks. À vrai dire, c’est loin d’être le premier lieu à se faire du blé sur le punk™, et ce ne sera malheureusement pas le dernier.

Abigaile est un restaurant bio incroyablement propre qui s'adresse à une clientèle plutôt aisée. Leur menu est un véritable hymne à la gastronomie et propose des bouteilles de champagne à 220 euros ou du vin de glace à 80 euros, ce qui est parfaitement adapté pour les riches qui souhaiteraient trouver une alternative à leurs traditionnels verres de vodka infusée au bacon.

Il est également possible de commander des burgers (12 euros), des steaks (22 euros) et des bières artisanales (5 euros le verre), qui sont préparées avec soin derrière un bar immaculé. On y trouve aussi des jolies tables en bois, des cocktails fruités et une vue sur la plage relativement médiocre. Abigaile est interchangeable avec des centaines, voire des milliers de restaurants qui participent activement à transformer la société moderne en boutique créative Etsy. Mais ce qui différencie Abigaile des autres crèmeries bourgeoises qui prolifèrent un peu partout, c'est son envie évidente de suivre une thématique « punk ».

Qu’est-ce qui fait d’Abigaile un lieu « punk » ? Les graffitis, apparemment. Sur le mur principal du restaurant, on retrouve de vagues hommages aux Misfits, à G.B.H et à Exploited, côtoyant des vieux posters de Black Flag et des Germs. Les graffitis ont été réalisés par Fletcher Dragge, de Pennywise, qui a vraisemblablement cherché à reproduire l'ambiance du lieu de répétition pendant ses grandes heures de gloire (ainsi qu'on peut le voir dans le très bon documentaire The Decline of Western Civilization).

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À côté des graffitis, on trouve des écrans plats qui diffusent continuellement des matchs de foot. J’ai entamé une frittata pendant que se succédaient les morceaux « Talk Dirty to Me » de Poison et « Here I go Again » de Whitesnake. Mon voisin de brunch, un type foncièrement punk, a eu l’air successivement mort de rire et atterré.

Autour de moi, personne ne semblait surpris par la nature aberrante du lieu – pas même les adorables quadras à polaires qui se trouvaient à ma gauche, ni même la gigantesque tablée de bruncheurs professionnels à ma droite. Ils étaient visiblement venus pour les pancakes citron-ricotta, pour les « sandos » (un mot fréquemment utilisé par les enculés pour dire « sandwich »), et des salades de kale. Parmi les bruncheurs professionnels, il y avait un type qui portait un t-shirt sans manche Iron Maiden et des lunettes Aviator, en train de s’empiffrer de poulet organique frit (un des plats de la section « Carnage » du menu).

Avant de me rendre à Abigaile, je m’étais renseignée auprès de l’attaché de presse du restaurant, qui m'a suggéré de rédiger un long article sur le cuistot, Chef Tin. Selon lui, son nouveau restaurant Little Sister « commençait pas mal à buzzer ». Il m’a ensuite parlé des avantages du lieu : « Chef Tin sert des plats comme s’il cuisinait chez lui. Même au niveau de la musique, le restaurant est inégalable. On retrouve ce que Chef Tin écoute dans sa voiture : un mélange de Drake, Dr. Dre, Snoop, Jay-Z, Kanye, A$AP et du rap des années 1990 ». Finalement, j'ai choisi de m’abstenir d’écrire un article sur la vie de Chef Tin, mais cet échange m’aura au moins confirmé que même le chef du restaurant se fichait éperdument du punk.

Mais Chef Tin n’est pas le propriétaire d’Abigaile. Le restaurant appartient à Jed Sandford, qui possède également de nombreuses brasseries new age dans le quartier. À en croire mes recherches, il aime Black Flag, Pennywise, quelques DJ normaux et ce concept très abstrait qu'est le UK dubstep.

Avant de devenir un lieu emblématique du mouvement punk, The Church était, comme son nom l’indique, une église baptiste tout à fait classique. J'ignore pourquoi Abigaile ne s'est pas contenté de suivre un thème religieux. Et d’ailleurs, pourquoi vouloir à tout prix faire un restaurant à thème ? Après tout, Los Angeles est connu pour ne pas respecter l'histoire, et le bâtiment a été détruit il y a très longtemps. Abigaile présente juste la caractéristique d’être situé sur une sorte de cimetière punk ancien. Aucun établissement du coin ne semble rendre hommage au lieu qui l’a précédé. Le légendaire Brown Derby, par exemple, a été repeint en rose. Il se trouve dans un centre commercial qui constitue aujourd’hui le Koreatown de Los Angeles. Le café qui s’y trouve n’est même pas dédié à Brown Derby — et tant mieux, parce que personne n’aurait envie de voir ça.

NOTE : La bouffe était hyper bonne, cela dit – ce qui est plutôt normal vu le prix. Mais inutile de préciser qu’aucun « vrai » punk ne souhaiterait fréquenter cet endroit. À moins qu'ils aient passé un deal avec Infiniti.