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Le musée George W. Bush est encore plus exaspérant que ce que vous imaginiez

Mais ses portraits de chefs d’État sont tous infiniment drôles.

George W. Bush est le genre de personnage historique détestable avec qui on pourrait quand même envisager de boire une bière. C'est un type comme tout le monde ; et comme tout le monde, il aime se marrer, danser sur des morceaux country et conduire bourré. George Bush Junior se présente lui-même comme un cowboy, mais un cowboy qui a réussi on ne sait comment à se frayer un chemin jusqu'à Yale et à s'octroyer le rôle de Leader du Monde Libre.

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Si le président a été copieusement critiqué, l'homme est aimable, chaleureux et inoffensif ; le genre de type qui n'hésiterait pas à présenter son portrait douteux de Jay Leno face à des millions de téléspectateurs. Mais nous n'oublions ni ne pardonnons ses méfaits. Nous (et par « nous », j'entends « je », puisque c'est moi qui écris cet article) le haïssons de toutes les fibres de notre corps. Mais ce n'est pas comme si nous travaillions à la bibliothèque présidentielle de George Bush, qui fait également office de musée. Afin de comprendre le quotidien de ces pauvres employés, j'ai décidé de visiter le lieu, situé tout naturellement sur le campus de l'Université Méthodiste du Sud.

À l'entrée, j'ai croisé un groupe d'enfants en voyage scolaire qui ont été contraints de passer les uns après les autres au détecteur de métaux. J'ai visité plusieurs musées présidentiels, dont celui de Nixon. Celui-ci est le seul à ce jour où j'ai vu les visiteurs être fouillés. Nixon avait des ennemis – il avait même un tas d'ennemis, à vrai dire. Mais Bush, lui, a carrément réussi à se mettre des pays entiers à dos, à commencer par le sien. Je peux donc comprendre qu'il soit un peu parano.

J'ai commencé ma visite par une exposition de portraits de chefs d'État qui semblaient plus réalisés par des enfants – un brin habiles, certes – que par un artiste-peintre. Au milieu des tableaux représentant les copains de Bush, on trouvait des babioles qui lui avaient été offertes au cours de sa présidence et des plaques sur lesquelles étaient rapportées des propos peu avares en compliments à l'égard de l'ex-président. J'y ai ainsi appris que Tony Blair aurait déclaré : « Je l'ai admiré en tant que président, et je le considère aujourd'hui comme un ami. J'ai acquis la conviction que l'Angleterre et les États-Unis doivent se serrer les coudes après les événements du 11-Septembre… Je suis fier de notre relation ».

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Le Dalaï-Lama, sans doute parce qu'il est infiniment bon et capable de tout pardonner, aurait un jour déclaré : « Je l'aime beaucoup. Vraiment ».

J'ai également découvert que, malgré son côté terrifiant, Vladimir Poutine était capable d'être sympa comme il l'a été avec Bush après le 11-septembre, alors on devrait peut-être lui foutre la paix.

Il paraît également que même s'il est à la tête d'un des pays les plus socialement rétrogrades, le Roi Abdallah d'Arabie Saoudite avait établi « un lien fort » avec Bush et que c'est bien la preuve qu'il n'est pas si méchant que ça. Pendant que je regardais « l'œuvre », j'ai entendu un enfant dire : « Les peintures sont pas mal, mais certaines font un peu peur ». Je ne pouvais qu'approuver.

Une guide a demandé aux enfants s'ils savaient ce que voulait dire le mot « diplomatie » ; elle a ensuite essayé tant bien que mal de le leur expliquer, alors même qu'il était évident que cela ne les intéressait pas du tout. Ils avaient l'air d'avoir encore moins envie d'apprendre que Bush lui-même. Je repensai à la fois où c'était Condoleezza Rice qui essayait de lui expliquer quelque chose pendant qu'il se léchait les doigts après avoir mangé des Cheetos tout en gardant un œil sur Fox News. Sauf que contrairement à l'ex-président, ces enfants n'avaient pas vraiment besoin de savoir ce qu'est la diplomatie. Mais ça ne les empêcherait pas d'obtenir un diplôme, en vertu du « No child left behind » (''aucun enfant laissé de côté''), n'est-ce pas ? La section dédiée est la seule qui a obtenu un peu d'intérêt des enfants, et ce surtout grâce au bus scolaire miniature sur lequel ils pouvaient grimper. Il se trouvait juste à côté du déprimant mémorial du 11-Septembre.

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Un panneau indiquait que c'était la foi qui avait donné à Bush la force pour arrêter de boire ; et que « le rôle du gouvernement est de créer un environnement dans lequel les entrepreneurs qui rêvent grand et travaillent dur puissent réaliser leurs rêves » (la phrase est de Bush, et elle a été prononcée 20 ans après que Reagan ait exprimé la même volonté). Son « expérience » ratée dans le monde des affaires était également mise en avant, ainsi que le fait qu'il est le seul président américain à avoir obtenu un MBA.

Le « Théâtre des Décisions » propose ensuite d'être confronté aux décisions difficiles que Bush a dû prendre au cours de sa présidence, ce qui sous-entend qu'il a lui-même pris ces décisions – et qu'il est capable de faire des choix plus complexes que celui du chapeau de cowboy qui rappellera le mieux à quel point il est sympa, ou de la couleur de cravate qui fera le plus ressortir le teint rougeaud de l'ex-premier ministre australien John Howard.

Il était possible de choisir sur un écran géant entre quatre types de « décisions » : la menace de Saddam Hussein, l'ouragan Katrina, l'envoi de troupes en Irak et la crise financière. Nous avons choisi Saddam. Des flash info ponctuaient nos choix, et tentaient de nous dissuader d'écouter nos conseillers. Nous avions quatre minutes pour décider de l'avenir du pays. Je ne doute pas que la situation était similaire pour notre dirigeant, et par « dirigeant », j'entends bien Dick Cheney. Un flash info nous a informé que les armes de destruction massives de Saddam avaient été découvertes… comme s'il y en avait vraiment eu. CITOYENS DES ÉTATS-UNIS, VOUS DEVEZ RÉAGIR ! CE DESPOTE A ESSAYÉ DE TUER PAPA BUSH !

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Nous avons choisi de proposer une nouvelle résolution à l'ONU. Pas Bush. « Les États-Unis étaient sans doute capables de résoudre le problème Saddam par une autre voie. Mais après le 11-Septembre… » Bush avait alors posé son micro, et ne l'avait repris que pour ajouter : « Le monde est plus sûr maintenant que nous avons supprimé cette menace ».

J'ai rejoué. Dans le scénario de l'ouragan Katrina, il fallait choisir entre recourir ou non à la loi accordant des pouvoirs supplémentaires au gouvernement en cas d'insurrection. Un flash info montrait des hordes de voyous armés saccageant la Nouvelle-Orléans. Il n'était pas question d'envoyer de la nourriture, de l'eau potable, ou des hélicoptères, mais uniquement d'empêcher des noirs de s'entretuer. (Les médias ont exagéré concernant la violence qui a sévi après Katrina, mais le contraire aurait rendu les événements beaucoup moins excitants à suivre). Dans la section – étonnamment petite – du musée dédiée à Katrina, Bush est lavé de tout reproche. Cette partie du musée est là comme pour dire :

Kanye West. George Bush est carrément préoccupé par le sort des Noirs ! Regardez cette photo où il a la main sur l'épaule d'un Noir qui pleure !

Alors que je regardais un court film qui expliquait que Bush n'avait pas du tout volé sa victoire aux élections de 2000 et qu'Al Gore s'était comporté, à l'époque, comme une vraie garce, une vieille femme s'est mise à hocher la tête lorsqu'est apparue à l'écran l'image de Karen Hughes. « Elle était bien, vous ne trouvez pas », a-t-elle lancé à propos de l'ancienne conseillère du président, l'air émerveillé, avant de traiter Al Gore de « pauvre type ». J'avais envie de la gifler. Elle sentait la levure, comme la plupart des visiteurs. Tous ceux qui n'étaient pas obligés d'être ici comme le groupe d'enfants étaient soit dans un fauteuil roulant, soit derrière un fauteuil roulant. Ils n'arrêtaient pas de discuter, à voix basse, de politique, comme s'ils y connaissaient quelque chose. Même Deubeuliou en savait plus.

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« LE SAVIEZ-VOUS ? », pouvait-on lire sur un panneau. « Avant le 11-Septembre, la lutte anti-terroriste était rendue difficile à cause de règles qui empêchaient le partage d'information entre les services de renseignement et les forces de l'ordre ». Mais n'ayez crainte, la loi USA PATRIOT a remis les choses en ordre ! Nous voilà rassurés.

Suis-je la seule à voir une provocation dans le fait que la ville qui a été choisie pour accueillir le musée soit celle où John Kennedy a été assassiné ? Mais le plus ironique, dans tout ça, c'est que malgré toutes les critiques qu'il a reçues, personne n'a jamais essayé de le tuer. Il était, semble-t-il, trop stupide pour qu'on lui veuille du mal ; en témoigne cette vidéo, publiée par ses filles, qui s'amuse de son légendaire accent texan. Le message de la vidéo était clair : si on ne sait pas rire de soi-même, comment peut-on espérer réussir à diriger un pays ? Euh, quoi ?

La boutique de souvenirs – où l'on trouve des carnets en cuir à 60 dollars portant la signature de George W. Bush, des brochures sur ses portraits des chefs d'État du monde à 20 dollars et des polos à 50 dollars – m'a paru encore plus choquante que la boutique de souvenirs du musée du 11-Septembre qui avait fait jaser tout le monde. Il faut dire qu'elles ont en commun de n'exister que grâce au 11-Septembre : sans les attentas, les Américains n'auraient pas été effrayés au point de réélire Bush Junior.

À la sortie, on pouvait lire : « Maintenant, nous allons de l'avant. Nous sommes reconnaissants pour notre liberté ; nous avons foi en notre cause, et confiance en l'avenir de la plus grande nation du monde ». La dernière image que je garderai sera l'autocollant « 9/11, Never Forget » collé à l'arrière d'un pick-up garé en travers de deux places de parking. Je ne risque pas d'oublier, ai-je alors pensé. Comment le pourrais-je ?

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