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Interviews

Une interview avec le type qui se cache derrière le projet « Too Hard to Keep »

Jason Lazarus nous a envoyé une nouvelle fournée de ces photos que vous ne pouvez plus regarder.

Image issue d'une série de 24 photographies récemment envoyées à Jason Lazarus

Ces derniers jours, nous avons publié une série de photographies intitulées « Too Hard to Keep ». Ces images étaient issues d'un projet en cours mené par Jason Lazarus, un artiste installé à Chicago, dans lequel il demande aux gens de lui envoyer des photos dont la charge émotionnelle est tellement forte qu'ils ne peuvent plus les regarder.

Beaucoup de ces images semblent assez inoffensives. Mais lorsque l'on connaît le concept qui se cache derrière, cela leur confère un poids particulier, une sorte de compassion ténébreuse qui, recoupées avec nos expériences personnelles, forment un récit plutôt sombre. Ces histoires deviennent alors une projection de nos propres vies et de nos expériences individuelles. Après le déluge de réactions qu'a suscité le portfolio, on a décidé de contacter Lazarus par email en lui demandant de répondre à quelques questions sur sa collection et de nous fournir une nouvelle série issue de son projet.

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VICE : Pourquoi avez-vous commencé Too Hard to Keep ? Quelle était la première photo de votre collection ?
Jason Lazarus : Je ne me souviens plus de la première image. Je suppose que, comme n'importe quel participant au projet, j'ai commencé en me posant cette question : Comment trouver un sens à cette image ?

Je sais que vous essayez de ne pas avoir une approche trop méticuleuse de cette collection, en la photographiant sans prétention depuis chez vous. Est-ce que cela change la manière dont vous présentez la collection au public ?
Les institutions disposent heureusement de nombreux protocoles de gestion des images. La manière dont ils remplissent leur mission implique souvent des pratiques d'archivages minutieuses, qui en stipule l'état et la provenance. Pour moi, c'est comme pour la littérature en général. Elle emploie des formats standardisés pour générer et caractériser les sources et les savoirs. Parfois, les artistes imitent ces pratiques et éprouvent leurs fonds, les placent derrière une vitre, surveillent leur aspect, documentent les fonds de bibliothèque, etc… Mais je pense que les artistes sont meilleurs quand ils sont allergiques à ces formes de production de savoir, en faisant appel à la chance, à l'intuition, à la sensibilité – et dans certains cas, à la fiction. Les artistes sont dans une position qui leur permet de travestir la standardisation et les connaissances.

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Quand je reçois une contribution, je note parfois au hasard un texte ou une suite de chiffres au dos de l'image pour pouvoir l'associer à un certain groupe, mais je ne le fais pas systématiquement. Quand j'expose ces images et que je ne peux pas être présent pour le démontage, les photos me reviennent en vrac. J'ai vite accepté le fait que ce projet serait désordonné. Je retrouve souvent des images isolées, ce qui me permet de les réinterpréter en permanence.

Image issue d'une série de neuf photos envoyées à Jason Lazarus

L'image de la fille avec un œil au beurre noir est devenue emblématique de ce projet. Pourquoi pensez-vous que les gens s'identifient si fortement à cette image ? Il me semble que vous connaissez cette fille – comment le vit-elle ?
J'ai reçu la photo de cette fille (une vieille amie, appelons-la « Sue ») au tout début du projet. Elle a été révélatrice de certaines choses. Ça m'a fait prendre conscience que le projet pouvait vraiment créer du sens – pas seulement pour moi, mais aussi pour les autres. Cette photo m'a fait penser à un autoportrait de Nan Goldin, qui a joué un rôle crucial dans son récit « La ballade de la dépendance sexuelle. »

À gauche : « Sue », issue du projet THTK. À droite : Nan One Month After Being Battered, 1984, par Nan Goldin.

Revenons-en à Sue – je lui ai demandé si je pouvais utiliser son image pour promouvoir le projet. Je suis content qu'elle ait accepté de collaborer au développement du projet, et avec le temps, j'ai freiné l'utilisation de son image (bien qu'Internet ait sa propre logique de diffusion et qu'elle apparaisse souvent sans que je puisse y faire quoi que ce soit). Pour être honnête, je pense que c'était assez difficile pour Sue de se voir en ligne un peu partout. Mais, quand elle apparaît dans des installations et des publications soigneusement éditées, elle est ravie.

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Dans un précédent article de VICE, un commentaire a identifié une photo comme étant celle d'un des derniers concerts du bassiste Billy Wolf avant son décès. Avez-vous reçu des réactions similaires sur ce projet ?
Il est rare que des personnes identifient des moments et les nomment. Mais quand ça arrive, je me réjouis de pouvoir dialoguer avec le public.

Une contribution récente unique de THTK

Too Hard To Keep est une archive en cours réalisée par Jason Lazarus et ouverte aux contributions. Aussi, merci d'indiquer si les photos envoyées peuvent être exposées en galerie, ou si elles sont simplement destinées à être postées en ligne. Envoyez vos photos, albums ou n'importe quoi d'autre à cette adresse :

Jason Lazarus
THTK
1516 N Kedzie Ave, #3
Chicago, IL 60651