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Des nationalistes britanniques mettent le feu à des croix pour défendre la suprématie de la race blanche

Mais ils n'ont aucun rapport avec le Ku Klux Klan, AUCUN !

Début septembre, je me suis retrouvé dans une forêt située à quelques encablures de Londres en train de prendre des types encagoulés en photo alors qu'une immense croix en bois brûlait en arrière-plan. Ces hommes étaient des nationalistes britanniques partisans de la suprématie de la race blanche. Ils faisaient virevolter deux larges drapeaux sur lesquels était visible un dragon blanc – le symbole de la résistance anglaise – tout en tenant une épée qui matérialisait la légendaire Excalibur.

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Ça fait maintenant un peu plus de deux ans que je suis en contact avec ce petit groupe. Je les avais déjà rencontrés au cours de différentes manifestations organisées par l'extrême droite, dont l'une se tenait en soutien à Aube Dorée, le parti néo-nazi grec. Ils m'avaient tout de même précisé clairement qu'ils ne soutenaient aucun parti. Ils étaient, selon leurs propres termes, « les représentants d'une classe ouvrière britannique blanche et opprimée. »

« Aujourd’hui, on essaie d'attirer de nouveaux membres venant de groupes déjà implantés, ou des gens qui ne se sont encore jamais impliqués », m'a expliqué un de ces militants. Par « groupes », il entendait des organisations d'extrême-droite comme Englisc Resistance, la Nouvelle Aube – référence claire à Aube Dorée – et de « nombreux autres mouvements suprémacistes blancs britanniques. »

Si le fait de brûler une croix semble être inspiré par le Ku Klux Klan, ces hommes m'ont pourtant affirmé qu'ils ne faisaient aucune référence directe au KKK.

« On ne brûle pas cette croix, on l'allume », m'a précisé l'un des mecs présents. Nous ne sommes pas une organisation chrétienne, la symbolique qui entoure la croix illuminée remonte à plusieurs siècles en Grande-Bretagne. Elle était utilisée en Écosse pour évoquer une déclaration de guerre. Bien sûr, tout le monde l'associe au KKK, mais ils l'ont eux-mêmes volée aux Écossais. »

Quelle est donc la cible de cet autodafé crucifère ? Le gouvernement ? La classe ouvrière britannique ? « Les deux, m'a-t-on affirmé. Nous nous soulevons pour défendre notre existence en tant que race et nation unifiées. Personne ne défend la classe ouvrière blanche dans notre pays. On nous a laissés tomber.

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« L'image d'une croix en train de brûler est frappante, les gens applaudissent ou détestent mais personne n'est insensible à un tel symbole. »

Matthew Feldman, co-directeur d'un centre spécialisé dans l'étude du fascisme à l'université du Teesside, est d'accord pour dire qu'une croix en flammes évoque directement la haine et la violence. Je lui ai demandé si, selon lui, un tel groupe pouvait avoir un avenir en Grande-Bretagne alors que les partis d'extrême droite reconnus ont déjà beaucoup de mal à se faire entendre.

« Dissoudre ce genre d'organisations serait une erreur et donnerait l'impression qu'elles sont une réelle menace, m'a expliqué Feldman. Il y aura peut-être de nouvelles têtes et de nouveaux partis, mais le discours sera toujours le même. »

Selon les suprémacistes que j'ai rencontrés, le triomphe d'une Grande-Bretagne « blanche » adviendra si la situation économique continue à empirer, comme cela a été le cas en Grèce avec Aube Dorée. Malgré cela, Matthew Feldman n'est pas convaincu qu'un déclin économique général aboutisse au triomphe des idées de l'extrême-droite.

« La question n'est pas simplement d'ordre économique, d'autres dynamiques sont en jeu, explique-t-il. J'imagine que l'Union européenne pourrait permettre de cristalliser et de légitimer les idées de l'extrême droite. »

Feldman a également évoqué des événements « clés » qui pourraient permettre à l’extrême droite d'être entendue par l'ensemble des citoyens britanniques. Pêle-mêle, on peut évoquer les attentats du 7 juillet 2005, le meurtre de Lee Rigby ou les manifestations anti-musulmans menées par le British National Party et Britain First.

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Paul Sillet, de l'association britannique « Unis contre le Fascisme », dénonce des groupes qui se « nourrissent du discours islamophobe présent dans la presse mainstream et qui capitalisent sur des situations tragiques. »

« À nos yeux, c'est une preuve de l'éclatement de l'extrême-droite britannique, entre des partis comme le BNP qui sont institutionnalisés et des fascistes extrémistes qui doivent recourir à de telles tactiques pour pouvoir être entendus. Nous devons être très attentifs et dénoncer ces actes. »

Quel peut être le devenir d'un groupe aussi radical ? C'est très difficile à dire, alors que leur « projet » n'en est qu'à ses balbutiements et que ses partisans n'ont pas vraiment d'objectif précis.

Comme me l'a dit Feldman, l'idéologie d'extrême-droite sera toujours présente en Grande-Bretagne, mais son rôle actuel tient du domaine de la sous-culture plutôt que de la menace directe. Alors qu'un parti comme le BNP perd actuellement de son influence, des petits groupes radicaux émergent. S'ils manquent de cohésion, d'une cellule de direction voire – dans le cas des brûleurs de croix – d'un nom spécifique, cela ne veut pas dire qu'il faut les prendre à la légère.

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