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On a demandé à un Breton, un Corse et un Basque leur avis sur l'indépendance de l'Écosse

Les indépendantistes français espèrent de tout cœur qu’ils bouteront définitivement les Anglais hors de leurs frontières.

Illustration : Donnie Ka

Dans deux jours, les 5,2 millions d'Écossais choisiront de rester ou non dans le Royaume-Uni après 307 ans de vie commune. L'enjeu est d'abord politique puisque le camp du oui, mené par l'actuel premier ministre Alex Salmond, revendique une sécession totale, bien que l'Écosse bénéficiait déjà d'une certaine autonomie depuis 1997 avec son propre parlement. L'aspect économique semble avoir toutefois pris le pas sur la question identitaire puisque l'Écosse possède une manne pétrolière très convoitée qui devrait selon les estimations, rapporter entre 17 et 38 milliards de livres sur les cinq prochaines années.

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L'année 2014 marque le 700ème anniversaire de la bataille de Bannockburn, où Robert Bruce et quelques milliers d'hommes ont mis une branlée historique à l'armée d'Edouard II. Depuis les choses vont un peu mieux entre les deux nations qui préfèrent s'affronter sur le terrain de rugby, mais des relents anti-anglais fusent sporadiquement comme ceux de l'éditorialiste Frankie Boyle qui déclarait au sujet du réchauffement climatique : « les Écossais ne sont pas contre, car si le niveau des océans montait, on pourrait toujours se réfugier sur nos nos Highlands et regarder les Anglais se noyer ».

Pour le moment, les sondages prévoient une victoire du non à 50 % contre 37 % de oui et toujours 13 % d'indécis, mais la cause indépendantiste ne cesse de rallier des voix depuis des mois et le résultat pourrait bien être plus serré qu'annoncé. Quelle que soit l'issue du scrutin, les chances de voir Mel Gibson reprendre les armes et charger les Anglais en kilt sont assez minces, mais ça pourrait par contre inciter les Gallois à les imiter.

En plus d'être des vieux alliés historique de l'Écosse contre l'ennemi commun anglais, les Français comptent aussi dans leurs rangs de nombreux mouvements qui aspirent à l'indépendance de leur région comme en Bretagne, en Corse ou au Pays Basque. On a donc demandé à François Alfonsi, membre du Parti de la Nation Corse, ancien député européen et maire d'Osani, à Peio Etcheverry-Ainchart, porte-parole d'Abertzaleen Batasuna, un des mouvements de la coalition Euskal Herria Bai (Pays basque oui) et à Ronan Le Gall, président d'Adsav ! [renaissance en breton] de répondre à nos questions.

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François Alfonsi, membre du Parti de la nation corse

VICE : Les militants du Parti de la nation corse se sont-ils intéressés au référendum sur l'indépendance de l'Ecosse ?
François Alfonsi : Bien sûr ! Le peuple écossais est un peuple sans état d’Europe, tout comme le peuple corse. Le chemin de la reconnaissance de nos peuples par les institutions européennes nous est à tous nécessaire pour que nos peuples franchissent le seuil du 21ème siècle. Chaque peuple d’Europe a contribué à l’Histoire commune de l’Europe. .

L'Écosse bénéficiait déjà d'une forme d'autonomie depuis 1997 avec un parlement écossais. Que gagnerait-elle en devenant indépendante ?
Cette autonomie a permis au gouvernement écossais de maintenir des droits sociaux importants aux Écossais contre l’avis de Londres, par exemple sur le coût des droits d’inscription dans les universités. Mais sur les sujets essentiels, comme la question européenne, c’est Londres qui continue de décider sans tenir compte de l’Écosse. L’autonomie a ouvert des droits et permis de gérer au mieux le pays. Mais les Écossais veulent aller plus loin et c’est leur droit.

En revendiquant votre indépendance, manifestez-vous une certaine méfiance vis-à-vis de toute autorité centrale ?
L’autorité centrale est toujours plus ou moins suspecte aux yeux des régions périphériques. Cette crainte est historiquement justifiée par des dizaines et des dizaines d’exemples. La démocratie, le respect de ses valeurs et de ses droits, comme le droit à l’autodétermination, sont la seule réponse qui vaille.

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Le FLNC a récemment abandonné la lutte armée. L'ETA semble aussi s'engager sur cette voie. Considérez-vous que cette question ne peut se régler que sur le terrain politique et que les actions de ces mouvements ont nui à la cause ?
Cette lutte armée appartient au passé, ou est en passe de l’être. C’est le sens de l’Histoire. Le droit à l’autodétermination est un droit démocratique, et il est bien préférable, et au final bien plus efficace, de recourir à des moyens démocratique pour faire valoir les droits des différents peuples, y compris le peuple corse.

Peio Etcheverry-Ainchart, porte-parole d'Abertzaleen Batasuna

VICE : En tant que nationaliste basque, quelle est votre position sur la question ?
Peio Etcheverry-Ainchart : Étant nous-mêmes porteurs de la même philosophie politique consistant à demander à la population ce qu’elle souhaite pour son avenir, nous avons plutôt de la sympathie pour cette dynamique écossaise. Toutefois, n’étant pas écossais, il ne nous revient pas d’avoir « une position » sur l’issue que doit avoir ce référendum ; c’est aux Écossais de choisir s’ils veulent être indépendants ou pas. La seule chose qui nous importe, que ce soit en Écosse, en Catalogne, au Kurdistan, en Papouasie ou au Pays Basque, c’est que la volonté démocratiquement et majoritairement exprimée soit respectée.

Quelle différence faites-vous entre indépendance et autonomie ?
La même que celle qui est définie par le Droit : pour un peuple, l’indépendance, c’est la création d’un État souverain avec toutes ses compétences régaliennes ; l’autonomie, c’est l’accès à certaines compétences, notamment législatives et fiscales, mais en restant dans le cadre d’un autre État.

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Soutenez-vous toutes les causes indépendantistes partout en France et dans le monde ?
La seule chose qui nous importe est le fait que l’issue de la controverse politique soit celle que souhaite la majorité de la population, dans le respect des principes démocratiques et de liberté d’expression. Il est toutefois clair que certaines revendications indépendantistes ne sont pas mues par les mêmes motivations que les nôtres, et avec elles nous n’avons rien en commun : c’est par exemple le cas de certains indépendantistes d’Italie du nord ou de Flandre, exclusivement motivés par leurs intérêts économiques, xénophobes voire racistes, qui sont à l’opposé de ce que notre philosophie progressiste porte au Pays Basque.

Ronan Le Gall, président d'Adsav !

VICE : L'Écosse devrait-elle rester dans l'Union Européenne ? Et si la Bretagne faisait sécession, devrait-elle aussi quitter l'Europe ?
Ronan Le Gall : Nous sommes profondément européens. L'Europe unie, nous l'envisageons comme une fédération dont chaque nation est membre, l'Europe aux 100 drapeaux. Ces membres se gouvernant, s'administrant en toute souveraineté, selon leurs propres lois, et des projets ou coopérations en commun. Force est de constater qu'aujourd'hui, cette Europe est très loin de cette vision. Ils nous ont construit un monstre que personne, à part les habituels lobbys, ne gouverne. Aujourd'hui, les Peuples deviennent hostiles à l'idée européenne, tout ça pour privilégier les intérêts de quelques uns. D'ailleurs, Schumann a déclaré avant de mourir qu'ils avaient commis une erreur en construisant d'abord l'union économique avant l'Europe des Peuples.

Que gagnerait l'Ecosse à s'affranchir de la tutelle des Anglais ?
Il existe de multiples raisons pour les Écossais de vouloir s'en affranchir, qui vont d'une meilleure répartition des subventions européennes accordées à leurs exploitants agricoles et aujourd'hui réparties beaucoup plus favorablement envers les Anglais que la paysannerie écossaise par le gouvernement de Londres, jusqu'au fait de se débarrasser du déficit démocratique en Écosse en raison du jacobinisme du Royaume-Uni mal dissimulé derrière ce statut d'autonomie en réalité très réduite, en passant par la gestion de sa réserve pétrolière.

Le SNP écossais fait également valoir à juste titre que la coûteuse Chambre des Lords de Westminster dont les membres ne sont pas élus constitue un véritable affront à la démocratie au sein de ce Royaume Uni qu'il appelle à quitter. En Écosse comme chez nous, on constate que le combat pour une véritable démocratie et une plus grande justice dans la gestion économique reste en réalité une constante principale du combat séparatiste.

Alex Salmond a dit que si l'Ecosse devenait indépendante, elle deviendrait le sixième pays le plus riche au monde. Selon vous, ce sont des enjeux surtout économiques ou culturels qui motivent cette scission ?
On entend souvent dans les grands médias français (ceux qui sont subventionnés par les impôts des contribuables) que les volontés d'indépendances des peuples européens le sont pour des raisons égoïstes. Je remarque que ceux qui sont contre les velléités de liberté des peuples européens sont ceux qui s'extasient pour ces mêmes velléités des peuples extra-européens. Ce qui serait bon pour les uns ne serait pas bon pour nous européens ? Il y a bien sur des enjeux économiques (la France ponctionne 85% des impôts bretons) mais il ne faut non plus oublier la notion du droit des peuples.