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reportage

Le médecin mexicain à la tête d'une milice contre les cartels de drogue

« Je soigne mes patients tous les jours entre 7 heures du matin et midi. L'après-midi, je pars faire la guerre. »

« Je soigne mes patients tous les jours entre 7 heures du matin et midi. L'après-midi, je pars faire la guerre », a déclaré le docteur Mireles dans son bureau de Tepalcatepec, en novembre dernier. Photos de Hans-Maximo Musielik

Le Michoacán, un État agricole de l'ouest du Mexique, est en pleine guerre. Trois acteurs principaux s'y trouvent engagés : le cartel connu sous le nom de Los Caballeros Templarios (Les Chevaliers du Temple), la police fédérale et les forces de l'armée mexicaine, et des milices de civils armés qui ont emmargé à Michoacán – et dans d'autres États – en raison de l’absence de paix et de sécurité.

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Un homme s'est en quelque sorte retrouvé à la tête de ces milices. Le docteur José Manuel Mireles Valverde dirige le Conseil général d'autodéfense et les Forces de police communautaires de Michoacán. Depuis que les différentes communautés de la région ont pris les armes, en février dernier, pour défendre leurs villages face au crime, le docteur Mireles est leur représentant. Il est apparu à la Une des magazines et a répondu aux interviews télévisées, défendant le droit de tout mexicain à se protéger contre l'anarchie régnant dans la région.

La semaine dernière, le photographe Hans-Maximo Musielik a passé cinq jours en compagnie du docteur Mireles, approchant ce leader comme personne n’avait pu le faire avant lui. Il a relaté l'action du docteur Mireles et celle de ses acolytes, alors qu'ils surveillaient des barrages routiers et qu'ils cherchaient à accroître le territoire sous le contrôle du Conseil d'autodéfense. Le 29 décembre, ils se sont pacifiquement emparés de la commune de Churumuco. Tout était calme lorsque, le 4 janvier, les Forces de police communautaires ont pris d'assaut Paracuaro, la dixième municipalité à être englobée dans la zone d'autodéfense. Mais, contrairement à ce qui s'était passé à Churumuco, les groupes d'autodéfense ont dû faire face à une forte résistance à leur arrivée, et les combats qui en ont découlé se sont avérés mortels. Au moins deux membres armés des Chevaliers du Temple ont été tués, et deux soldats de l'armée mexicaine sont morts dans une embuscade non loin de là. Les photos de Hans-Maximo montrent également la mort d'un des membres du groupe d'autodéfense, un décès qui n'a pas été rapporté les principaux médias.

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Après la prise de Paracuaro samedi soir dernier, le docteur a voyagé à bord d'un petit avion depuis Guadalajara. Il s'est s'écrasé dans la municipalité de La Huacana. Le docteur, qui a pris les armes avec la police communautaire de Tepalcatepec, a survécu à l'accident. Pour l'instant, il semblerait que les raisons du crash ne soient pas d'ordre criminel.

Le docteur Mireles se remet actuellement de son accident à Mexico, sous la garde de la police fédérale. Le gouvernement a déclaré qu'il accordait la protection au docteur Mireles parce que ce dernier était devenu une figure politique nationale. Sans lui, les communautés qui font désormais confiance au Conseil d'autodéfense seraient démunies d'une figure de proue symbolisant la lutte du peuple contre le crime organisé.

Mais, à Michoacan, la menace que pose le cartel est plus forte que celle que poserait tout autre gang criminel. Les photos prises par Hans-Maximo montrent que les Templarios ainsi que leurs prédécesseurs, La Familia Michoacana, sont des acteurs principaux de la vie sociale dans la région. Certains citoyens de ces zones de conflit montrent même leur soutien au cartel en arborant des tee-shirts à leur gloire.

« C'est une rébellion », selon Hans-Maximo, qui a voyagé à Michoacan plusieurs fois l'an dernier pour y enquêter sur le conflit. « C'est un événement historique. »

Introduction de Daniel Hernandez

Dimanche 29 décembre 2013. Churumuco, Michoacan.

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10h03. Sur le terrain de basketball du village de Churumuco, dans l'État de Michoacan, le docteur Mireles s'exprime devant les villageois. Il leur explique les raisons de la prise de pouvoir et leur garantit son soutien dans la lutte contre Los Caballeros Templarios.

« Aujourd'hui, la communauté de Churumuco est officiellement sous le contrôle du mouvement citoyen. Toute personne qui le souhaite est encouragée à prendre les armes pour défendre sa famille et sa ville. Si vous avez des armes sur vous et que vous croisez la police fédérale ou l'armée, ne vous sauvez pas en courant. Ce sont les Los Templarios qui devraient courir. L'armée et la police sont nos alliés, alors montrez leur votre respect en les abaissant vos armes quand vous les croisez. »

Près de 20 véhicules, menés par Dr Mireles, sont entrés dans le village à 9h30. Aucun incident n'a été enregistré.

11h38. Après avoir annexé le village de Churumuco, le docteur [assis à droite, escorté par un garde du corps et un commandant], parle avec le maire de Churumuco, Gilardo Barrera Estrada. Mirales l'informe que, suite la prise de contrôle de la ville, ils vont s'établir dans le coin afin de « nettoyer la ville des Caballeros Templarios ».

11h48. Une mère et ses enfants originaires de Churumuco croisent les forces d'autodéfense qui viennent tout juste de prendre le contrôle du village. Le message inscrit sur le tee-shirt de la mère s'oppose clairement à l'arrivée des nouvelles troupes : « Félicitations mon Père. Merci d'être notre Père, et d'être un Templario. »

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12h40. Après la prise du village, deux membres de la milice, armés de fusils d'assaut et  assis à l'arrière d'un pick-up, patrouillent sur la route menant au village de Poturo. Ils ont construit des barricades afin de pouvoir défendre les habitants contre toute attaque du cartel des Templarios.

Lundi 30 décembre 2013.

9h00. Zicuiran, Michoacan. Le docteur Mireles regarde son téléphone et examine une carte de la région. Le 18 décembre, les groupes d'autodéfense menés par lui ont pris le contrôle de la communauté de Zicuiran dans la municipalité de La Huacana. Ils dirigent désormais leurs opérations depuis un restaurant local.

15h23. El Chauz, Michoacan. Deux gardes du groupe d'autodéfense se reposent près de la barricade principale d'El Chauz, à quelques kilomètres de Zicuiran. La barricade est située sur la route principale entre Patzcuaro et Apatzingan. Ils font le guet et se relaient toutes les deux à quatre heures. Ils resteront près des barricades pendant plusieurs jours. Ils dormiront sur place, y mangeront et se laveront près des postes de contrôle. Ils ne rentrent que rarement chez eux.

15h40. El Chauz, Michoacan. Un militant du Conseil d'autodéfense en plein sommeil.

16h37. El Chauz, Michoacan. Un autre membre de l'armée d'autodéfense se repose un peu.

16h40. El Chauz, Michoacan. À la barricade d'El Chauz, tous les véhicules sont susceptibles de se faire arrêter pour une inspection – même les camions appartenant à des sociétés de bonbon et de boissons fraîches.

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16h50. El Chauz, Michoacan. Toujours à la barricade, un combattant de la milice d'autodéfense prend son AK-47 et se prépare à prendre la relève.

18h00. Zicuiran, Michoacan. Le doc, depuis sa base temporaire, lit un article dans le journal local traitant de la prise du pouvoir pacifique de Churumuco. Il est en photo en première page.

18h58. Zicuiran, Michoacan. Deux des gardes du corps du docteur Mireles, El Siete, au centre, et El Tormenta, à droite, font une partie de billard près de la base temporaire de Zicuiran.

Mardi 31 décembre 2013.

19h09. La Huacana, Michoacan. Un membre de la milice d'autodéfense connu sous le nom de Mi Rey arrive en camion à La Huacana, armé d'un fusil d'assaut.

15h17. La Huacana, Michoacan. Papá Pitufo (« Grand Schtroumpf ») porte son étui customisé alors qu'il monte la garde à l'Hôtel de ville de La Huacana, attendant l'arrivée du docteur Mireles. Il est commun pour les membres de la milice d'autodéfense, de personnaliser leurs armes.

15h31. La Huacana, Michoacan. On distingue l'étui de Tormenta alors qu'il monte dans son véhicule.

15h50. El Ciruelo, Michoacan. Un membre de la milice d'autodéfense se prépare à s'entraîner au tir avec son AK-47. La barricade d'El Ciruelo est l'une des plus stratégiques et des plus dangereuses. Elle contrôle l'accès à l'autoroute de Cardenas à Uruapan passant par la région de Tierra Caliente et à proximité d'Apatzingan, la base des Templarios.

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15h55. El Ciruelo, Michoacan. Un garde de la milice d'autodéfense se repose derrière la barricade d'El Ciruelo et recharge la batterie de son téléphone.

17h07. El Ciruelo, Michoacan. Sept heures avant le Nouvel An, le docteur se rend à la barricade d'El Ciruelo pour féliciter personnellement son équipe. Deux jours plus tôt, dans le but de fatiguer psychologiquement les combattants, les Caballeros Templarios ont lancé une rumeur annonçant une frappe le soir du 31. L'attaque n'a jamais eu lieu.

Samedi 4 janvier 2014.

15h46. Paracuaro, Michoacan. Un membre du groupe d'autodéfense git à terre après un affrontement qui l'a opposé aux Caballeros Templarios au cours de la prise de contrôle de Paracuaro.

16h04. Paracuaro, Michoacan. Un membre de la milice d'autodéfense se planque derrière une voiture lors d'un affrontement contre Los Caballeros Templarios dans le village de Paracuaro. D'autres se sont mis à l'abri des balles derrière des palmiers. Lors de cet affrontement, un membre de la milice d'autodéfense a perdu la vie.

16h58. Paracuaro, Michoacan. Un combattant de la milice d'autodéfense montre un livre écrit par Nazario Moreno Gonzalez, trafiquant de drogue et fondateur du cartel La Familia Michoacana. Le livre a été trouvé lors d'une descente dans une maison d'un Caballero Templario à Paracuaro, à la suite de l'annexion de la ville, quelques heures auparavant.

17h56. Cuatro Caminos, Michoacan. Des unités militaires gardent le tronçon de l'autoroute qui avait été bloqué par Los Caballeros Templarios. Cette action a été une conséquence directe de la prise de contrôle de Paracuaro par le groupe d'autodéfense du docteur Mireles quelques heures plus tôt.